La petite fille qui aimait Tom Gordon by Stephen King

Author:Stephen King
Language: eng
Format: mobi
Tags: Fantastique
Publisher: Le Livre de Poche
Published: 2011-11-26T15:04:42+00:00

Sixième manche

Quand Trisha se réveilla, les oiseaux chantaient à tue-tête. La lumière était vive, profuse. La matinée semblait bien avancée. Elle aurait sans doute dormi jusqu’à midi si la faim ne l’avait pas tenaillée aussi cruellement. De l’ouverture de son gosier jusqu’à ses genoux, elle n’était plus qu’un immense vide rugissant. Et au milieu exact de ce vide, elle éprouvait une intense douleur, comme si on l’avait pincée de l’intérieur. Cette sensation l’effraya beaucoup. Elle avait déjà eu faim dans sa vie, certes, mais jamais au point d’avoir mal.

Elle sortit de sa hutte à reculons, la renversant de nouveau au passage, se hissa sur ses pieds et se dirigea vers le ruisseau en clopinant, maintenant son dos douloureux à deux mains. Elle devait ressembler à la grand-mère de Pepsi Robichaud, qui était sourde comme un pot et si percluse d’arthrite qu’elle ne pouvait se déplacer qu’à l’aide d’un déambulateur. Pepsi l’avait surnommée Mamie Mal-Partout.

Trisha se laissa tomber à genoux, posa les deux mains par terre et but à longues gorgées avides, comme une jument à l’abreuvoir. L’eau allait sans doute la rendre malade encore une fois, mais tant pis. Il fallait absolument qu’elle se mette quelque chose dans le ventre.

Elle se releva, jeta un regard un peu hébété autour d’elle, remonta son jean (il était exactement à sa taille quand elle l’avait mis dans sa chambre à Sanford, une éternité plus tôt, mais désormais il lui glissait sur les hanches), puis entreprit de descendre la pente qui longeait le ruisseau. Elle n’avait plus vraiment l’espoir de trouver une issue en le suivant, mais au moins comme ça elle laisserait derrière elle le Dégueuloir à Trisha, ce serait déjà quelque chose.

Au bout de cent pas, la petite teigne l’apostropha. T’aurais pas oublié quelque chose, ma chérie ? Bien qu’elle fût toujours aussi glaciale et sarcastique, la voix de la petite teigne laissait désormais percer une pointe de lassitude. Et en plus, elle avait raison. L’espace d’un instant, Trisha resta pétrifiée sur place, tête basse, ses cheveux lui retombant sur les yeux, puis elle fit demi-tour et remonta péniblement la pente pour regagner la clairière où elle avait bivouaqué pour la nuit. Elle fut obligée de s’arrêter deux fois en route, le temps que les battements de son cœur s’apaisent. Elle était atterrée de constater que ses forces avaient diminué à ce point.

Elle alla remplir sa gourde au ruisseau et la fourra dans son sac à dos avec les vestiges déchiquetés de son poncho. Quand elle souleva le sac, il lui parut si lourd qu’elle ne put réprimer un bref sanglot (Le pire, c’est qu’il est pour ainsi dire vide, se disait-elle). Elle se remit en route, d’un pas lent et pesant. Elle avançait laborieusement, et bien que la pente lui soit favorable à présent elle était obligée de s’arrêter tous les quarts d’heure, à cause de son cœur qui battait à tout rompre. Autour d’elle, le monde se teintait de couleurs trop vives, et dès qu’un geai perché dans un arbre

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